Quelle belle décision politique que voilà, le remboursement des consultations par les psychologues est annoncée en grande pompe. Il y aurait de quoi se réjouir me direz-vous, l'occasion peut-être de permettre la pleine considération de la nécessité de prendre en soin la santé mentale des personnes, enfin...oui mais...
Nous, psychologues, n'avons en effet pas été concertés pour cette décision, qui, il faut le dire, est un pansement sur la plaie béante que la covid aura mis en lumière. Le contexte particulièrement anxiogène aura fini d'effriter parfois les défenses des personnes dont l'équilibre était déjà fragilisé, certes, mais il aura contribué à permettre l'expression subjective. Les professionnels de santé sont favorables à cette idée, permettre d'un côté, de désengorger les cabinets médicaux, permettre de l'autre d'entendre une souffrance souvent banalisée, mal, si ce n'est, non considérée, la souffrance psychique.
Toutefois, et c'est peut être l'argument qui semble le moins évident, ces consultations seraient alors conditionnées à la prescription médicale : c'est là encore la possibilité d'entraver le libre arbitre, la juste liberté pour les personnes de prendre soin d'elles-mêmes, et peut-être encore de ne pas favoriser tout à chacun à "se faire du bien avant d'avoir mal". Non, il n'est pas nécessaire d'aller mal avant d'aller voir le psychologue, je dirais même que dès lors que la souffrance est trop forte, il peut apparaître particulièrement difficile d'entamer une élaboration, de s'engager dans un travail qui sera alors irrémédiablement plus long.
Poursuivons en nommant que nombre de structures existent déjà, à l'instar des CMP, CMPP, et autres. Celles-ci sont parfaitement efficaces et tout à fait adaptées dans le cadre d'une prise en soin en complémentarité d'une approche libérale. Mais ces structures sont mal traitées, peu financées, mal considérées. Il eut été nécessaire de permettre plutôt une attribution satisfaisante pour ces professionnels de première ligne, qui faute de moyen, doivent bien souvent décaler les urgences, imposer une liste d'attente de plusieurs années bien souvent. Un scandale de plus.
Enfin, il est proposé que ces consultations doivent être fixées à 40 euros pour une première séance, puis 30 euros...pour un total de 10 séances. Bien entendu, moi-même et la plupart de mes collègues, j'en suis sûr, ne souhaitent pas vous garder ad vitam, au contraire un apaisement rapide est bien plus gratifiant...mais malheureusement, nous ne pouvons avoir que très rarement une garantie absolue de résultats en un nombre aussi défini de séances. Par ailleurs, ces consultations sont moins élevées que le tarif moyen appliqué. Si ce tarif est proposé à nos patients, c'est bien parce qu'il tient compte du temps que nous avons en face à face, mais aussi de lecture, de reprise de séance en amont et en aval. Il nous est proposé, toujours par ce même gouvernement, de réduire la durée des séances afin de voir plus de monde. C'est d'une part aux antipodes de notre éthique de psychologue et à l'opposé de l'orientation que nous souhaitons lui donner. Nous "n'abattrons pas" plus de patients dans une simple logique de rentabilité outrancière.
Pour l'heure donc, mon choix est fait, de ne pas rentrer dans cette idée d'un conventionnement qui ne peut satisfaire ni patients, ni thérapeute. Cette idée, finalement, d'apparence souhaitable risque même selon moi d'opposer soignés et soignants puisqu'il nous incomberait de réaliser une pédagogie qui n'a pas été proposée par ceux là même qui ont mis en place cette perspective "d'un soin psychique rentable".
Triste évolution.
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