Il y a des lendemains matins qui ont le goût amer du sang, qui laissent dans un état de sidération tels, qu’ils n’ont de mots pour se dire. Au-delà de l’atrocité des récents événements dont les images n’ont de cesse d’alimenter nos imaginaires, à nous imposer une prise de position, il s’agirait de reprendre le cours de la pensée. Mais comment penser un tel passage à l’acte ? Certains évoqueront peut-être le principe d’une habituation dans l’horeur. La répétition de ces actes de barbarie devrait-elle permettre une forme de banalisation ? Peut-être s’agirait-il encore, par la distance, réelle ou fantasmée, de s’en sentir préservé, du fait d’un éloignement géographique, d’un pseudo écart culturel. Il nous apparaît plutôt que ces passages à l’acte sont autant de modalités par lesquelles les pulsions de mort de toute une société s’en trouvent métabolisées.
La psychanalyse nous a enseigné qu’il nous était possible d’identifier deux pulsions à l’oeuvre pour l’existant. Tantôt la pulsion de vie, Eros, nous permet de tisser des liens, de créer par les voies de la sublimation, de nous inscrire dans la relation.
Tantôt la pulsion de mort, Thanatos, permettrait aussi de préserver notre intégrité psychique, somatique, en favorisant la rupture des liens qui nous nuiraient, de nous replier sur nous-même afin de nous protéger, de nous défendre même contre la menace extérieure.
C’est de cette intrication pulsionnelle que nous nous structurons dans notre rapport à l’autre, par liens, par replis.
Freud nous avait déjà fait part de son inquiétude, dans Malaise dans la civilisation, quant au déferlement d’agressivité auquel il assistait. Autre époque donc, mais réalité au combien similaire, qui nous ferait croire que la connaissance, accumulation d’expériences, que l’histoire, ne nous apprend rien.
Aujourd’hui il n’est donc pas question de politique, mais d’Humanité, il n’est pas plus l’idée d’une réponse, mais d’interrogations.
Le déni prendrait-il sa source dans le désespoir, comme dernier rempart face à l’insurmontable ? Il n’est pas question d’une quelconque tolérance face à la barbarie, mais plutôt de comprendre qu’entre ces deux peuples, hier Russe et Ukrainien, aujourd’hui, Palestinien et Israëlien, il n’est plus question de sens. Le racisme, l’antisémitisme, les génocides de toute forme, prennent leur source dans l’idée que l’autre, reflet du miroir, est responsable de tous nos maux, de notre souffrance, l’image donc qu’il doit supporter nos propres pulsions agressives.
Cessez le feu, tel doit être le mot d’ordre, de toute part et sans concession.
J’y adjoindrais volontier l’idée de retrouver le mot, le sens commun, la langue pour sortir de cette torpeur de l’imaginaire, penser ensemble les maux pour panser les mots, retrouver le symbolique, comme seul et véritable possibilité de tiers, de médiation, et tenter de trouver ce qui fonde notre même et unique Humanité.
Inshalla, Shalom
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